Après 48 heures dans les petits airs, la flotte de LA DRHEAM CUP – Destination Cotentin a commencé à toucher du vent de sud-ouest puis sud à partir de mercredi matin, surtout sur le parcours DRHEAM 700, ce qui a permis à Armel Tripon en MULTI50 et à Sam Davies en IMOCA, de s’échapper vers le Fastnet. Du côté du parcours DRHEAM 400, Charlie Capelle et son équipage ont franchi les premiers Wolf Rock mercredi à 15h32.
Qu’elles ont été difficiles ces 48 premières heures de LA DRHEAM CUP – Destination Cotentin ! Après une première journée et une première nuit passées à louvoyer au près dans du vent de 5-6 nœuds le long des côtes bretonnes, la flotte des 73 bateaux partis lundi de La Trinité-sur-Mer à destination de Cherbourg-en-Cotentin a eu le droit à une seconde nuit telle que le redoutent les coureurs au large, dans la pétole, arrêtée dans une dorsale anticyclonique qui a concerné la quasi-totalité des concurrents.
Certains ont cependant réussi à tirer leur épingle du jeu, à l’image d’Armel Tripon, parvenu à s’extraire du peloton sur le parcours DRHEAM 700 et à creuser un écart conséquent en tête de la flotte des MULTI50, puisque le skipper de Réauté Chocolat comptait en milieu d’après-midi mercredi entre 30 et 40 milles d’avance sur ses deux poursuivants immédiats, Erwan Le Roux (FenêtréA-Mix Buffet) et Thibaut Vauchel Camus (Solidaires en peloton-ARSEP). « Hier en fin de journée, j’ai réussi à m’échapper en choisissant de partir sur un bord tribord là où les autres partaient vers l’ouest. Ce petit décalage au nord de quelques milles m’a permis d’accrocher un petit flux alors que les autres se sont fait rattraper par la bulle anticyclonique qui progressait vers le nord », a expliqué le leader qui, mercredi après-midi, sous un grand ciel bleu, bénéficiait de conditions plutôt idéales : « Je suis au portant avec un vent de sud de 15-17 nœuds, ça se renforce un peu, il y un peu de mer formée de face, ça tape un peu, mais c’est plutôt rapide par rapport à ce qu’on a connu, le bateau est entre 18 et 20 nœuds ».
Armel Tripon prévoyait de passer le Fastnet aux alentours de 20-21h, heure française, et si son avance risque d’être conséquente au sud de l’Irlande, la course semble loin d’être jouée aux dires du Nantais : « La descente vers les Scilly va se faire dans du vent soutenu, mais au fur et à mesure que je vais me rapprocher de la Manche, je vais quitter le flux dépressionnaire de sud qui nous accompagne et je vais rentrer de nouveau dans une bulle anticyclonique qui va favoriser un retour par l’arrière. Je pense que toute mon avance va fondre comme neige au soleil et ça va être un finish sous haute tension avec potentiellement trois bateaux au contact ».
Les femmes et un vieux bateau au pouvoir !
Du côté des IMOCA, les femmes ont pris le pouvoir, puisqu’elles sont deux à mener les débats, Sam Davies et Isabelle Joschke, la première ayant réussi dans la nuit de mardi à mercredi à fausser compagnie à la seconde qui, dans les petits airs, avait pris les commandes de la flotte la première journée : « Je suis contente, j’ai réussi à toucher le vent avant les autres, je suis en tête en Mer d’Irlande, tout va bien », s’est réjouie mercredi matin la skipper d’Initiatives Cœur, qui comptait dans l’après-midi une douzaine de milles d’avance sur celle de Monin, tandis que derrière, le trou est fait, puisque Manu Cousin (Groupe Setin), Damien Seguin (Groupe Apicil) et Yann Eliès (Ucar-St-Michel) accusaient plus de 50 milles de retard sur Sam Davies.
En CLASS40, la nuit de mardi à mercredi a été pénible pour l’ensemble de la flotte qui s’est regroupée dans la pétole et ce n’est que mercredi en fin de matinée que les premiers, emmenés par Yoann Richomme (Veedol), ont commencé à sentir un peu de souffle dans leurs voiles. « Le début de course a été compliqué pour tout le monde, parce que les conditions ont été un peu tordues au niveau météo, j’ai réussi à tirer mon épingle du jeu jusqu’à Ouessant, a commenté mercredi après-midi le vainqueur de la Solitaire Urgo Le Figaro 2016. Hier soir, on devait avoir un petit passage mou qui devait durer quelques heures mais qui a finalement duré toute la nuit et a bien perturbé tout le monde, la nuit a été éprouvante. En plus pour moi, c’est la découverte du bateau, je suis à l’affût des informations qu’il peut me donner, ça demande beaucoup de travail et de concentration ». Reste que Yoann Richomme, qui prévoyait un passage au Fastnet jeudi matin, réussit pour l’instant une très bonne première partie de course, dans le groupe de tête aux côtés de Phil Sharp (Imerys Clean Energy), Aymeric Chappellier (Aïna Enfance et Avenir), Sébastien Marsset (Campings Tohapi), Luke Berry (Lamotte Module Création), Jonas Gerckens (Volvo) et Nicolas Troussel (Corum), tous se tenant dans un mouchoir de poche.
Du côté du parcours DRHEAM 400, deux équipages se sont particulièrement distingués lors des 48 premières heures de course : le « vieux » Acapella – Soreal – Proludic (plan Walter Greene de 1980) en Multi 2000 et le Farr 45 Amanjiwoo 2 (Sébastien Harinkouck) en IRC, qui sont parvenus à semer la concurrence et à franchir Wolf Rock mercredi après-midi avec une large avance. Comme Armel Tripon en Multi50, le premier a réussi un petit décalage mardi qui lui a permis d’échapper au gros de la pétole : « En arrivant au DST d’Ouessant, on a considéré qu’il fallait partir dans l’est plutôt que dans l’ouest, visiblement, c’est ce qu’il fallait faire, parce que les autres se sont fait enfermer dans une bulle. Nous, on l’a eue, mais on est restés au bord, on ne pensait quand même pas qu’il y aurait autant d’écart, a raconté Charlie Capelle. On est contents, parce que maintenant, on fait route sous code zéro à 6-7 nœuds. Le vent risque de tourner et de tomber d’ici Cherbourg, il y a des chances qu’on se retrouve au près dans du vent léger, mais pour nous, c’est mieux, parce que Acapella est redoutable dans les petits airs. Se retrouver en tête pour une vielle demoiselle de 38 ans, c’est quand même pas mal, le bateau reste extraordinairement véloce ».
La seconde partie de course promet cependant pas mal de rebondissements avec le retour des conditions légères, les premiers sont attendus à Cherbourg-en-Cotentin, où s’est ouvert ce mercredi le village officiel, entre jeudi soir et vendredi matin.
Elles/Ils ont dit :
Manu Cousin (3e en Imoca sur Groupe Setin) : « Ça risque de souffler pas mal au Fastnet cette nuit, 25 nœuds fichier, environ 30 sur l’eau. Je suis évidemment super content d’être pour l’instant troisième, mais la course est loin d’être terminée. Dans le vent plus soutenu, ce sera dur de tenir les autres bateaux, mais je ferai tout pour faire une jolie fin de course ».
Erik Nigon (9e en Imoca sur Vers un Monde sans Sida) : « Pour l’instant, ça ressemble plus à une étape XXL de la Solitaire du Figaro avec des conditions météo compliquées et changeantes, sauf que là, il faut enchaîner les virements et autres manœuvres sur un IMOCA de 18 mètres de long et avec un mât de 30 mètres, une quille de 4 tonnes qui bascule, des bastaques indispensables à la tenue du mât, des dérives différentes pour chaque bord… J’ai vu que j’étais dans le coup avec les bateaux de même génération, avec quand même un petit déficit de cap, mais c’est sans doute dû à la quête du mât qui est très basculée pour les conditions de portant dans la brise. J’ai des soucis sur l’électronique mais j’ai une solution qui marche et je peux profiter d’un pilote automatique en mode compas, donc tout va bien. C’est un peu sans filet mais je vais essayer de ne pas trop me prendre la tête avec les soucis techniques et juste rechercher le plaisir de naviguer sur un engin pareil. J’en ai déjà plein les bras et les jambes mais en prenant son temps, ça le fait ! »
Thibaut Vauchel Camus (3e en Multi 50 sur Solidaires en Peloton-ARSEP) : « Cette nuit a été un enfer… Tu penses sortir de la zone de molle et non ! À peine 15 milles de parcourus cette nuit, Armel (Tripon) qui avait viré le premier n’a pas dû s’arrêter, vu l’avance qu’il avait ce matin. Je n’ai pas forcément dormi plus que ça cette nuit car il fallait être à l’affût de chaque pression. Mais je n’ai pas été débordé, bien que parfois, je m’endormais un peu à mon insu ! Mon objectif est de rester au contact d’Erwan (Le Roux) pour garder des repères de vitesses, mais comme il est en avance sur le vent, je sens que l’élastique va s’étirer, je vais faire gaffe à ce qu’il ne me pète pas au nez ! »
Miranda Merron (9e en Class40 sur Campagne de France) : « On commence tout juste à retoucher du vent après une nuit de regroupement dans la pétole. Ce soir, on va prendre une mauvaise petite dépression au Fastnet, les conditions vont être assez difficiles ».
Morgane Ursault-Poupon (25e en Clas40 sur UP Sailing) : « Le début de la course a été juste MAGIQUE, j’ai pris un super départ et de belles options jusqu’au Raz de Sein, après, tout a changé, je suis restée scotchée dans des zones sans vent, ce qui m’a fait perdre quelques places. Qu’elle est laborieuse cette ascension vers le Nord. Il y a un soleil de plomb, il fait 30 degrés à l’intérieur. Le vent vient de se lever, j’ai mis le spi et j’avance enfin, cap sur l’Irlande ! En tout cas, je suis hyper contente de vivre ma première « vraie » nav en solo. Je n’avais jamais passé plus de 24 heures seule en mer, c’est chose faite, j’apprends plein de choses et je me sens hyper bien toute seule sur mon petit bateau ».