Quelques minutes avant de quitter le ponton à Port Chantereyne à Cherbourg-en-Cotentin dimanche midi, Sidney Gavignet, qui épaule le marin amateur Oren Nataf sur ce Pulsar 50, dessiné par Erik Lerouge et construit en 2004, pensait arriver ce 19 juillet en fin de journée. L’un des régatiers français au large les plus expérimentés, avec un nombre incalculable de milles autour du monde et sur tous les types de bateaux de course, n’est pas du genre à se tromper. Après 2 jours 2 heures et 47 minutes, Rayon Vert a franchi la ligne d’arrivée devant La Trinité-sur-Mer ce mardi 19 juillet à 17 heures et 7 minutes, remportant non seulement la victoire dans la catégorie Multi 2000, mais s’imposant au scratch devant les 111 concurrents encore en course. La particularité de la Drheam Cup imaginée par Jacques Civilise en 2016 est non seulement d’être ouverte aux amateurs et professionnels, mais aussi de proposer des parcours en fonction de la taille et des performances des bateaux, et ce afin qu’ils terminent l’épreuve si possible dans un temps proche. Ensuite, la météo qui n’est toujours pas une science exacte, se charge de faire le juge de paix. Rayon Vert a non seulement toujours eu du vent depuis le départ, mais quasiment tout le temps au vent portant.
« C’était champagne sailing, avec toujours du vent et pas trop de mer ! C’était absolument magique » explique avec modestie Oren Nataf le skipper et propriétaire de Rayon Vert, le visage encore maculé de sel. « On a eu une dernière nuit assez sportive avec des orages violents, et notamment un grain à 35 nœuds en plein empannage. Mais tout s’est parfaitement déroulé. Cette Drheam Cup a été un très bel entraînement. Le parcours est vraiment génial, et on a pu pousser le bateau afin de voir ses limites. A Cherbourg-en-Cotentin, on avait fait des routages à 85 % de la polaire, mais on était souvent à 120. C’est certain que seul, je ne le pousserai pas ainsi, n’ayant pas le niveau. »
« Ce bateau est très marin » ajoute Sidney Gavignet le co-skipper. « Il marche facilement à 20 nœuds, ne lève jamais la coque centrale, et est vraiment adapté pour une Route du Rhum, n’ayant pas de spi et une plateforme très saine. Et Oren est un bon marin, très appliqué et concentré. Naviguer avec lui a été un régal, et ce d’autant qu’il y a longtemps que je n’avais pas régaté. »
Les arrivées vont se succéder cette nuit avec la probable victoire des Suisses de Kuka 3 (Franco Niggeler) en IRC équipage, puis celle de l’Ultime SVR Lazartigue skippé par le jeune Tom Laperche annoncé vers une heure du matin après avoir bouclé le parcours de 1000 milles.
Dans des conditions météo complexes dues à une vaste zone dépressionnaire peu active, mais avec des grains vicieux, Xavier Macaire (Groupe SNEF) est en tête, au coude à coude avec Antoine Carpentier (Redman) en Class40. Ian Lipinski (Crédit Mutuel) qui naviguait au contact des premiers, a signifié à la direction de course en fin d’après-midi son abandon après qu’une grosse vague ait relevé brutalement un safran, alors qu’il marchait à 20 nœuds.
Louis Duc (Fives-Lantana Environnement) déroule sur son Imoca. Erwan Le Roux (Koesio) et Sébastien Rogues (Primonial) sont à portée d’AIS en Ocean Fifty, et Catherine Chabaud (Formatives Network) en Rhum Monos mène également à plus de 460 milles de l’arrivée. Marie Tabarly fait honneur à son regretté père Eric, en étant en tête dans la catégorie des Open Grands Monocoques sur le légendaire Pen Duick VI.
Alerte chavirage : A 16 heures 40 ce jour, alors qu’il naviguait dans une trentaine de nœuds de vent à 60 milles dans le Sud du Fastnet, Loïc Escoffier a prévenu son frère Kevin qu’il venait de chavirer à bord de son catamaran Lodigroup. Il évoluait alors en tête de sa catégorie. Loïc va bien et est à l’intérieur du bateau en sécurité. Informée, la direction de course a contacté les concurrents les plus proches afin qu’ils se déroutent pour porter assistance à Loïc. Le team et la direction de course sont en contact pour mettre en œuvre les opérations de secours.
Ils ont dit :
Quentin Vlamynck (Ocean Fifty Arkema)
« Je file actuellement à 23 nœuds de moyenne, devant les winches, prêt à choquer ! Les gars sont partis comme des fusées dès le départ. Difficile de revenir depuis. Ils font très peu d’erreurs de trajectoire. Quant à moi, j’apprends à repousser mes limites, me repose dès que les conditions le permettent. Changer de voiles, matosser… je n’arrête pas. La nuit a été compliquée avec des grains et des zones de molles pas simples à traverser. J’ai eu jusqu’à 35 nœuds de vent. Je ne rigolais pas du tout… »
Tom Laperche (Ultime SVR Lazartigue) :
« On a passé pas mal de temps à voler à 40 nœuds sur le même bord pour traverser la Manche, et ça allait très vite sur mer plate. Sinon, la pointe cette nuit a été de 43 nœuds en fuite dans un orage…
Sebastien Rogues (Ocean Fifty Primonial) :
« On a viré le Fastnet en tête de la Drheam Cup et c’est super ! J’ai affalé le gennaker pour envoyer le J1, car du près est au programme. On va se faire rattraper par un thalweg (zone dépressionnaire entre deux zones de haute pression) avec des vents de Nord-Ouest, et donc je vous épargne les détails, mais tout va bien à bord. »
Corentin Douguet (Class40 Quéguiner Innoveo)
« J’ai franchi le Fastnet. Je rate tout ce que je veux sur cette régate. Je pense que j’aurais dû partir en vacances un peu plus tôt. Il y a un fond de fatigue, et puis quand tu n’es pas bon, tu accumules les petites emmerdes techniques comme un ballast de 250 litres qui se déverse dans le bateau, ta montre qui tombe en panne… Ce sont de petites contrariétés un peu usantes, et en plus il n’y a pas beaucoup de vent. »