Le plus Français des Britanniques Sam Goodchild – il vit à Lorient – s’est imposé dans la 4èmeDrheam Cup / Grand Prix de France de Course au Large, coupant la ligne d’arrivée à plus de 30 nœuds devant la Trinité-sur-Mer mercredi 20 juillet à 12 heures 58 après un mano à mano mémorable avec ses adversaires sur les 1000 milles du parcours. Il n’a devancé Sébastien Rogues (Primonial) que de 23 minutes. Dire que les six trimarans de 15 mètres, étaient encore en course et en équipage au Fastnet une semaine avant le départ de Cherbourg-en-Cotentin. Cette fois, lors de la Drheam Cup / Grand Prix de France de Course au Large, les six marins, ont à nouveau viré le célèbre phare, mais cette fois en solitaire.
Après une traversée express de la Manche en à peine plus de trois heures, ils se sont livrés à des duels sans pitié, négociant une vaste zone dépressionnaire avec très peu de vent sur la route directe, et des grains toujours très complexes à gérer en solitaire sur ces engins aussi performants que volages, que l’on compare souvent à des karts au vu des sensations qu’ils procurent à la barre.
Lors du parcours, il y a eu pas moins que quatre leaders successifs : Thibaut-Vauchel Camus (Solidaire en peloton-Arsep) au début, Sébastien Rogues (Primonial) au passage du Fastnet, Erwan Le Roux (Koesio) dans la descente vers la bouée BXA en face de Royan, et enfin le Britannique Sam Goodchild (Leyton) dans la longue remontée vers la Trinité-Sur-Mer, et qui est parvenu à s’échapper dans le final. Il y a deux ans, Sam Goodchild avait déjà remporté l’épreuve, mais à la barre d’un Figaro.
Assis sur le flotteur bâbord de Leyton les pieds dans l’eau, les yeux tirés, Sam Goodchild revient sur cette course un peu folle : « Quelle bagarre avec Seb (Rogues) et Erwan (Le Roux) ! Chacun a eu son petit moment devant, mais heureusement, c’est moi qui l’ai eu à l’arrivée. Je ne sais pas dans quel état sont les autres, mais je ne suis pas frais du tout. Ce qui est sûr, c’est que je n’ai rien lâché. Je suis fier de moi avec ce que j’ai donné. Même sur une étape du Figaro, je n’ai jamais été si loin… Je n’ai jamais aussi peu dormi. Sur un Figaro, tu peux allez dormir, mais sur un Ocean Fifty, tu n’as pas le choix sauf quand le vent est stable, ce qui n’a pas été souvent le cas depuis Cherbourg-en-Cotentin. Sur une Drheam Cup et sur trois jours, tu peux te mettre dans le rouge, mais sur une transat, il va falloir savoir lever le pied pour tenir sur la durée. »
S’est-il fait peur ? « Je me suis fait quelques frayeurs, mais au final, j’ai énormément gagné en confiance en moi-même et sur mon bateau, et c’est ma plus grande satisfaction sur cette course. Quand tu prends une risée à 30 nœuds dans la baie, tu flippes, mais quand tu es tout seul au milieu de la nuit au large, tu es bien obligé de gérer la situation. Là, je n’ai qu’une envie : dormir. »
Quelques minutes plus tard, arrive au ponton Sébastien Rogues (Primonial), magnifique second. Les deux marins se congratulent, et refont immédiatement la régate sur le ponton tandis que les équipes techniques ont repris les commandes des deux trimarans.
Seb Rogues : « Tu as dormi après BXA ? » Sam : « Non, j’avais peur de m’endormir et me réveiller sur les cailloux à Belle Île… » Seb : « Les fichiers annonçaient que le vent allait mollir, et je me suis dit que dès que ce serait le cas j’irais dormir… mais la molle n’est jamais venue et je n’ai pas dormi. J’ai craqué, pris un ris, changé de génois, et suis tombé quinze minutes dans les bras de Morphée. Il le fallait. J’entendais trop de gens qui me parlait dans le bateau. » Sam : « J’ai commencé à avoir des hallucinations. Je voyais des équipiers partir devant manœuvrer, mais non, j’étais bien seul. » Seb : « J’ai eu le catalogue complet des hallucinations, et sur l’AIS je voyais des dizaines de points lumineux. Un vrai jeu vidéo. » Sam : « Ben oui, on a croisé la flotte des Mini 650 qui partaient en course des Sables d’Olonne vers les Açores. J’en ai croisé certains à dix mètres qui m’engueulait, me demandant ce que je foutais là à 25 nœuds ! J’ai répondu : et les gars moi aussi je suis en course. Je fais le Drheam Cup ! » Seb : « Ah bon, je croyais que c’était des pêcheurs. »
Il est temps de sabrer le champagne avant d’aller faire une grande sieste. Les deux marins avouent n’avoir quasiment pas fermé l’œil trois jours durant. On en oublierait presque que Albator mené par Philippe Frantz vient de prendre une belle troisième place en IRC équipage, avec à bord un certain Alexis Loison, le régional de l’étape au départ.
Une heure plus tard, à 14h20, c’était au tour d‘Erwan Le Roux à bord de son Ocean Fifty Koesio, de boucler le parcours de 1000 milles en 72h et 20 minutes.