Une météo « casse-tête »


Alors que la France vit un épisode caniculaire exceptionnel, la plupart des 116 concurrents de la Drheam Cup, répartis en 10 classes et sur 3 parcours, naviguent dans des vents faibles à modérés de Nord-Est à Sud-Est, et sous des températures dignes du Sud de la Méditerranée. Après une nuit sous la pleine lune, et des escortes de dauphins… les conditions restent de rêve, mais le vent oscillant et un fort courant obligent à une concentration maximale.


Après moins de vingt heures de course, Tom Laperche et son commando composé de Elodie Bonafous, Pascal Bidegorry, Antoine Gautier et Emilien Lavigne sur l’Ultime SVR Lazartigue, ont viré le phare du Fastnet en début de matinée au Sud de l’Irlande dans un vent erratique et irrégulier, avant d’attaquer la descente vers la prochaine marque de parcours BXA en face de l’estuaire de la Gironde. 

Pas loin derrière, les six Ocean Fifty ont tricoté à coup d’empannages. Sébastien Rogues (Primonial) a été le plus prompt à se sortir des griffes d’un centre dépressionnaire hasardeux, mettant le bazar quant à la direction et la force du vent. Il a enroulé le célèbre phare à 16 heures ce lundi, créant un peu de distance avec Sam Goodchild (Leyton) suivi comme son ombre par Erwan Le Roux (Koesio). « C’est un peu de la roulette russe et de la loterie » explique le météorologue Eric Mas, en charge du routage du jeune Quentin Vlamynck (Arkema) qui dispute là sa première course en solitaire sur son trimaran de 50 pieds. « Il n’y a guère d’autres possibilité que de passer à proximité du centre de cette petite dépression et donc dans très peu de vent » confirme le spécialiste ayant routé Jean-Luc Van den Heede lors du premier Vendée Globe en 1989. Il y a non seulement des sautes de vent de 20 à 30 degrés, mais aussi des bouffées de vent… puis plus rien ! Sacré dilemme pour redescendre vers la Bretagne et plus bas,  la bouée BXA. 

Si cette dépression ne devrait pas être trop méchante pour les Class40, les Multis et Monos Rhum, elle va nécessiter de faire un choix drastique pour les Ocean Fifty dès ce soir. « Deux options radicales s’offrent aux marins : la première est d’aller chercher dans l’Ouest la bordure de la dépression où il y a des vents de Nord-Ouest suffisamment soutenus pour faire du « toboggan » et aligner des moyennes impressionnantes, mais au prix d’un détour colossal et de nombreux empannages. La seconde est plus risquée bien que sur la route directe. Il faut retraverser cette vaste zone dépressionnaire qui s’étend jusque dans la Manche, pour se retrouver dans son Sud et attraper des vents de Sud-Ouest pour filer directement sur BXA. Il va donc falloir choisir son camp et s’y tenir » analyse Eric Mas. 

Comme on pouvait s’en douter, les Class40 se livrent à une véritable bataille rangée. Ce lundi à 17 heures, Xavier Macaire (Groupe SNEF) et Antoine Carpentier (Redman) situés les plus Nord ont pris les commandes, tandis qu’en Rhum Multis, Loïc Escoffier (Lodigroup) mène toujours la course. 

Sur le parcours de 600 milles, le trimaran de 50 pieds Rayon vert mené par Oren Nataf et Sidney Gavignet a creusé l’écart et pourrait arriver à la Trinité dès demain mardi dans la soirée. Nicolas Groleau (BT Blue) en IRC file aussi en tête vers le Drheam waypoint à l’Ouest de la pointe Bretagne. Enfin, Basile Bourgnon et Robin Follin conservent la tête de la course sur leur Figaro 3 Edenred. Dans ces vents erratiques, la nuit va donc être encore longue et chaude pour les 117 concurrents.

Ils ont dit :

Martin Le Pape (Class40 Fondation Stargardt) : « J’ai eu quelques soucis de pilote cette nuit, et qui m’ont bien embêté. Mais là c’est reparti. C’est grand soleil, ça déboule à 15 nœuds le long des côtes anglaises. Franchement, on n’est pas mal ! »

Eric Péron (Ocean Fifty Komilfo) : « Un super départ sous le soleil ! On était en trois heures de l’autre côté du Channel. Là ça défile bien sur mer plate avec un bon petit vent. On est à 22 nœuds à 135 degrés du vent. C’est un vrai tir groupé. Je vois Leyton et Koesio juste devant moi. On a fait un joli coup en empannant à terre, et ça va être ainsi tout au long de la Cornouailles. »

Antoine Carpentier (Class40 Redman) : « On a passé la pointe de Land’End à midi. Xavier Macaire (Groupe SNEF) a pris la même option que moi. Les autres sont passé de l’autre côté du DST. On verra bien ce que ça donne. 
Là ça chasse bien vu le nombre d’oiseaux ! Il doit y avoir du poisson… »

Brieuc Maisonneuve (Rhum Multi 60 000 rebonds) : « Après avoir passé le cap Lizard, je suis sous grand spi dans un vent sympa. Le début de nuit a été très galère, puisqu’il y a eu une espèce de petit grain qui a mis en rade mon pilote automatique principal. Quand j’ai voulu mettre en route mon pilote de secours, je me suis fait électrocuter je ne sais pas comment. Du coup, les deux pilotes ont été HS deux heures, j’ai dû affaler mon spi dans la baie de Lyme, et heureusement je suis parvenu à remettre en route le pilote de secours… »

Martin Louchard (Class40 Randstat-Ausy) : « Je suis actuellement en mer d’Irlande. Je suis très content de mon début de course. Cela n’a pas été facile, je n’ai pas beaucoup dormi mais cela a payé, car j’évolue dans le groupe de tête. Il fait très beau et très chaud. On se croirait au large des Antilles dans la Transat Jacques Vabre 2021… »

Victor Jost (Class40 Caisses Réunionnaises Complémentaires) : « A la première bouée de dégagement, il aurait fallu envoyer un spi pour être dans le match avec les meilleurs mais j’ai préféré joué à mon niveau. j’ai préféré anticiper et envoyer un gennaker, plus simple à manipuler, et surtout c’était la voile qu’il fallait avoir dans les trente minutes suivantes. A la dernière marque de parcours côtier, je fais route vers l’Angleterre et avec grand plaisir je découvre que ma sœur et mon équipe technique m’attendent en Zodiac pour me dire un dernier au revoir… » 

Suivre les flottes engagées sur les trois parcours via la cartographie Yellow Brick ICI